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Zlatan Ibrahimovic, samouraï du ghetto |
Par Antoine le Troadec
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Un prénom qui claque, des frappes qui fusent, des sidekicks tranchants, et un égo à faire pâlir Alain Delon en tournée promotionnelle au Japon. Bienvenue dans le monde d’un des plus grands surdoués du foot de ces 10 dernières années : le Suédois Zlatan Ibrahimovic. Un homme qui partout où il est passé a amassé les titres de champion en enquillant des buts, mais qui demeure une figure controversée dans son pays et un loser à l’échelon européen. Chienne de vie. Classe internationaleQuelques chiffres pour situer le bonhomme : Zlatan c’est 222 buts en 461 matchs de clubs, plus 35 réalisations en 82 matchs avec sa sélection. Un gabarit imposant d’1m94 tout entier dévoué au but. Cette vidéo vous rafraîchira la mémoire plus que tous les discours :
Puissant, agile, technique et doté d’un excellent jeu de tête, Ibracadabra possède la panoplie complète du grand attaquant moderne. Un profil qui suscite de nombreuses convoitises : seul joueur à avoir connu quatre transferts à 20 millions d’euros ou plus, il a fait le bonheur des supporters de tous les clubs où il est passé. Il a d'abord étrenné ses crampons dans sa ville de naissance, Malmö, après avoir failli à 15 ans bosser sur les docks et abandonner le foot. Puis il rejoint en 2001 la pépinière de l’Ajax Amsterdam pour exploser à la face de l’Europe. S’ensuivront les mythiques Juventus Turin, Inter Milan, FC Barcelone, et Milan AC. Plus fort, tel un talisman, il est sacré champion national dans ses divers clubs depuis son arrivée à la Juve en 2005. En revanche, sa bougeotte lui a créé quelques inimitiés parmi ses anciens tifosi. Pour ceux de la « Vieille Dame » [Juventus, ndlr], il est un « gitan ». Les intéristes, eux, ont mangé leur chapeau quand il a rejoint l’ennemi intime, et ont immédiatement rangé ce rap au placard :
S’il collectionne les titres nationaux, la reconnaissance internationale tarde à pointer le bout de son nez. La Champion’s League s’est toujours refusée à lui, et longtemps il y a délivré des prestations insipides. Ironie de l’histoire, il quitte l’Inter en 2009 pour la gagner avec Barcelone, et se retrouvera éliminé par son ancien club qui rapportera le trophée à Milan. Son parcours en sélection nationale est encore plus chaotique : tel un Cuauhtémoc Blanco nordique, il l’a déjà quittée trois fois pour autant de retours. Son seul fait d’armes véritable sous le maillot bleu et or demeure cette sublime aile de pigeon à l’Euro 2004 :
Ce dilettantisme envers la cause des Trois Couronnes n’est pas toujours perçu comme du meilleur goût au pays des rollmops. Zlatan Ibrahimovic les renvoie en effet à une dimension moderne et cosmopolite de leur nation qui leur échappe parfois. United colors of Sweden
Au début de sa carrière à l’Ajax, un des éléments qui faisait tiquer tous les Thierry Roland de France, en dehors de son physique imposant, c’était ce nom en –ic typique des Balkans doublé de cette nationalité suédoise. Zlatan est en effet le fruit d’une union bosniaco-croate à la sauce viking. Ses parents, fraîchement immigrés, se sont rencontrés à Malmö au sud de la Suède. La ville, située en face de Copenhague, est la plus cosmopolite du pays. On estime que 30 % de ses habitants sont nés en dehors de Suède - une immigration récente provoquée par les conflits balkaniques, au Sri Lanka, en Somalie, ou au Kurdistan. Le jeune Zlatan grandit au milieu d’autres enfants dans cette petite Yougoslavie reconstituée. Celle-ci s’incarne dans le club de football qui porte le nom évocateur de « Balkan », où il y a possédé une licence de 1991 à 1995. Le joueur en conservera un souvenir ému, arguant même qu’au-delà de sa nationalité suédoise, il se sentait aussi yougoslave - et non bosnien ou croate. Les sociétés scandinaves reposant fortement sur la notion de clan, cette double appartenance revendiquée a tendance à mal passer dans l’opinion surtout quand il ne souhaitait plus être appelé en sélection nationale. En dehors de l’appartenance ethnique, Zlatan Ibrahimovic secoue surtout la société suédoise par ses manières, son arrogance, mais surtout par sa propension à utiliser petites phrases incisives et/ou coups de pied et coups de poing pour résoudre les conflits. Jeg är ZlatanIl y a des jours où l'on ferait mieux de rester couché. Surtout lorsqu'il s'agit d'aller s'entraîner avec Zlatan. Comme celui-ci où, au centre d’entraînement suédois, Zlatan décide de déboîter subitement son compatriote Christian Wilhelmsson sur le bord de la touche. Ceinture noire de karaté, il ne faut pas lui chercher des noises. So Foot a réalisé une compilation de toutes ses interventions kung-fu fighting. Ca se savoure. A l’entraînement ou en match, sur les adversaires comme les coéquipiers, l’individu a un gros passif en termes de mauvais gestes. Il ajoute à cela une vraie bad boy attitude clamant entre autres son admiration pour Tony Montana (ses meilleures citations ici), ou partageant le même tatouage que Tupac Shakur portant ces mots : « Only God can judge me. » Zlatan, tel Poutine, est fier d’exhiber sa virilité. Alors quand une photo de lui et Gerard Piqué témoigne d’une intense complicité, et qu’une journaliste l’asticote sur ce sujet, il se braque en lui proposant un threesome avec elle et sa sœur. Modestie, quand tu nous tiens. Le plus fascinant chez Zlatan Ibrahimovic, c’est son melon intersidéral. Quand il débarque à l’Ajax, sa première phrase résume le crédo du joueur : « Moi je suis Zlatan. Et vous, vous êtes qui putain les gars ? » Pas surprenant pour un type dont l’autobiographie s’appelle littéralement Je suis Zlatan. D’autres exemples pour illustrer son côté mégalo : quand on lui demande son style de football, il répond « Zlatan style ». Son expérience à Barcelone avec le « philosophe » Guardiola a tourné court quand il a déballé qu’il avait affaire à un vestiaire de « pleureuses ». Qui se reconnaîtra appréciera. Enfin, parmi tous ses tatouages, le plus imposant est un dragon rouge qui lui court le long du dos pour revenir sur son flanc, illustrant en toute simplicité « sa personnalité ». Nikolai Luzhin approves this message. [Nicolai Luzhin est le personnage russe, ex-mafieux et surtatoué incarné par Viggo Mortensen dans Les Promesses de l'ombre de Cronenberg, ndlr.]
Rejeton génial de Cantona pour les uns, joueur très fort mais jamais décisif pour les autres, Zlatan Ibrahimovic ajoute une dernière facette inattendue à la hauteur de la démesure de son personnage. Il a confié voici quelques mois un spleen dû à sa vie de footballeur et souhaiterait faire une Michel Platini, à savoir arrêter au sommet de son art. Entre-temps, un défi très personnel l’attend dans les prochaines semaines puisque son club du Milan AC affronte l’armada barcelonaise en quart de finale de la Champion’s League. Attention, les high kicks risquent d’être de sortie. Tweet
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