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Pressing #18 : L'été meurtier |
Par Marion Haudebourg
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Retour sur l'événement de la semaine et son traitement dans la presse. Pressing de la semaine du 27 au 31 août. Au programme : Tony Scott, Jean-Luc Delarue et les Armstrong. Les morts sont tous des braves types, paraît-il. Ces derniers temps, l'adage a été un peu compliqué à vérifier. Cette fin de mois d'août aura été meurtrière pour les icônes déchues : un réalisateur emblématique du kitsch des années 1980, un gendre idéal passé cocaïnomane, et un champion miraculé totalement dopé (parce que si Lance Armstrong n'est pas mort, il a quand même eu droit à sa nécro dans tous les médias). C'est Tony Scott qui a ouvert le bal du malaise médiatique : comment faire l'hagiographie du réalisateur de films dispensables, voire ringards au possible ? Télérama et L'Express ont tranché dans le vif, remarquant que depuis sa mort soudaine, le frère de Ridley Scott allait subitement devenir un grand cinéaste dans les médias, mais ne resterait pas moins un réalisateur mineur du 7e art. Volée de bois vert. Insultes. Crime de lèse-majesté. On ne crache pas sur les tombes. Puis, la polémique à peine éteinte, loi des séries oblige, vînt une série de « morts » toutes plus embarrassantes les unes que les autres. Delarue et Lance Armstrong, le même jour, puis Neil Armstrong, une fois que tout le monde avait déjà fait les blagues sur le type qui était capable de gagner le Tour de France et d'aller sur la Lune tout en jouant de la trompette. Retracer la vie de celui qui fuyait la célébrité a été le plus facile. Il a suffi de broder longuement sur cette nuit du 21 juillet 1969 sans trop s'étendre sur la suite. Surtout qu'un homme qui souhaite être normal est dans l'air du temps. Non, le plus compliqué, ça aura été pour le jour de la double icône déchue. Ce qui donne cette Une de Libération assez édifiante.
Ils se font face. A la fois glorieux et honteux. Lance Armstrong a ce regard déterminé, mais les lèvres pincées. Delarue a un petit sourire en coin, mais la tête basse. Les deux voient leur image écornée par une drogue. L'un a survécu au cancer, c'est un miraculé. L'autre y a succombé, il est maudit – d'ailleurs, d'après Laurence Ferrari, s'il parlait si vite, c'est parce qu'il avait une « pré-science » du fait qu'il allait mourir jeune. Si, si. C'est pour France 2 que ça a été un peu compliqué, la chaîne ayant tellement bien vécu sur l'image des deux icônes. Un Die Horribilis en quelque sorte. Ce qui n'empêchera pas Patrick Montel de soutenir que « Le vélo ça fait toujours rêver, dopé ou pas dopé » (Ah, Patrick Montel, quand tu mourras). Et si les JT n'éludent pas la chute de Jean-Luc Delarue, on insiste sur sa « générosité », son empathie, sa capacité inouïe à comprendre l'autre, son professionnalisme, etc. Petit à petit, on ne parle plus des années de dérive, mais de ce qu'il a apporté à la télévision : l'émission de témoignages. Merci Jean-Luc d'avoir ouvert cette brèche, d'avoir fait en sorte que les anonymes deviennent les stars. La télé s'autocongratule, estimant que grâce à Delarue, on a vraiment une télé différente. Jusqu'à ce direct commémoratif sur France 2, totalement autocentré : best of de Ça se discute, témoignages d'ex-témoins, animateurs à qui « Jean-Luc » a tout appris. Cette fois ça y est, Delarue a réussi sa Rehab. Sa réhabilitation.
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